La dislocation de la gauche israélienne
Maintenant, que des élections anticipées en Israël sont enfin annoncée pour le 9 avril 2019, la compagne législative doit être entièrement innovée. La ‘‘Gauche’’ est devenu désormais une dénomination péjorative. Il est regrettable de rappeler que c’est la gauche elle-même qui a lancé la colonisation dans les territoires occupés. À son initiative, cela a pu se faire dans toutes les régions de Judée-Samarie, sans avoir à distinguer entre les impératifs de la sécurité et les aspirations nationalistes. Dans une politique hâtive et dénuée de vision, les quartiers de Jérusalem Est, éloignés et peuplés de masses de Palestiniens, ont été annexés à l’État d’Israël par cette ‘‘Gauche’’ . Des décisions fondamentales ont été prises sans tenir compte des aspects démographiques, sociaux et politiques. Il semble que l’euphorie qui a dominé le pays après la victoire écrasante de la Guerre des Six jours ait effacé toute vision réelle de l’avenir.
Depuis plus de dix ans, la droite règne sans partage. Le ‘‘Bloc nationaliste’’ s’est tellement élargi qu’il a rendu la réalité sur le terrain presque irréversible. L’État d’Israël devint de facto un État binational. S’il n’accorde pas tous les droits à tous ses citoyens, il risque de devenir malheureusement, un État d’apartheid. Un danger qui contredirait les principes de la Déclaration de l’Indépendance de 1948, et en particulier le statut d’Israël dans le monde.
Malgré le meurtre abominable de feu Yitzhak Rabin, la ‘‘Gauche’’ est restée attachée à son idéologie et garde son désir intact de se séparer de ses voisins palestiniens. Lors de la conférence de Tabah (21-27 janvier 2001), le Premier ministre israélien Ehud Barak a participé à un sommet avec le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, en présence de Bill Clinton et de Hosni Moubarak. Des accords de paix détaillés, acceptés préalablement par toutes les parties, ont été présentés pour signature. Cependant, Arafat a décidé, à la dernière minute, de rompre son engagement et de refuser de signer. Un acte inacceptable dans une conférence aussi formelle, préparée bien avant par les représentants de toutes les parties.
Quelques semaines plus tard, les Palestiniens ont lancé une guérilla terroriste, cruelle et sans frein. La deuxième Intifada, comme on l’appelait, a fait un millier de morts parmi des civils israéliens et un plus grand nombre de blessés. Le nombre de morts parmi les Palestiniens n’est pas connu, comme si c’était des martyrs qu’il ne fallait pas les dénombrer. Les Palestiniens ont justifié leur soulèvement, suite à l’ascension de Sharon au mont du Temple, le chef de l’opposition de l’époque. Certes, il s’agissait d’une violation du statu quo, mais pas au-delà.
Pendant cette période, la déception à ‘‘Gauche’’ commença à se faire sentir. Ceux qui croyaient en la paix ont perdu espoir. Ils se sont sentis déçus par les Palestiniens, et en particulier par Arafat, qu’ils avaient soutenu malgré son passé. Les cinq années de silence relatif, acquis suite aux accords d’Oslo, s’avéraient avoir servi l’Autonomie palestinienne pour préparer une lutte terroriste au lieu de progresser vers une paix complète. Cette Intifada, qui s’est poursuivie jusqu’à la mort d’Arafat (2004), n’aurait pu avoir lieu sans une préparation bien planifiée et sans l’exploitation des armes permises pour leur sécurité intérieure. Autant de déception que d’espoir. La désintégration des cadres et la fuite des militants du processus de paix s’est fait sentir. Le pessimisme s’est installé. L’incertitude s’est implantée de plus en plus. Le parti travailliste s’est disloqué. Visiblement, il n’est plus crédible.
Le bloc nationaliste aujourd’hui au pouvoir exploite le sentiment d’insécurité et la situation actuelle aux frontières de l’État. Il a réussi à transformer le terme ‘‘Gauche’’ en synonyme d’infamie. Le même qualificatif attribué à ceux qui sont contre la politique israélienne, tel que le BDS, Betselem… La propagande de droite est basée essentiellement sur la peur. Mais Israël est plus fort que jamais. Ses forces militaires et sécuritaires sont unanimement reconnues. La véritable peur réside dans l’incertitude de son identité et l’unité du peuple. Le camp de la ‘‘Gauche’’ doit cesser d’être un punching-ball. Ses dirigeants, succèdant d’une élection à l’autre, doivent arrêter de vendre leur âme pour gagner des voix – celles qui ont fui vers la droite, le centre ou l’abstention.
Depuis des décennies, de nouvelles formations politiques se créent avec en tête, un général à la retraite, un journaliste célèbre, une personnalité connue pour ses positions engagées. Ils se déclarent tous du Centre, ce qui, apparemment, leur donne le droit de jouer sur tous les plans politiques. Or, l’expérience israélienne a prouvé que ses mouvements sans base électorale trouvent une fin décevante. En Israël, la division ne peut être qu’entre le camp de qui prône le Grand Israël, et le camp qui désire ardemment la création de deux États.
Dernièrement, on annonce un nouveau leader, Beny Gantz, l’avant-dernier chef d’État-major de l’armée israélienne. Curieusement, on ne connait pas encore ses positions, surtout celle concernant le conflit israélo-palestinien, et pourtant les sondages lui attribuent déjà un nombre de parlementaires de deux chiffres. Drôle de situation ! Changement de style. Peu importe l’idéologie, la conquête du pouvoir à tout prix s’avère essentielle.
Gantz doit maintenant se prononcer sans délais. Un rassemblement de ceux qui se disent de ‘Gauche’ ou du ‘Centre gauche’ est impératif. Gantz, l’homme providentiel du moment peux en profiter. Il serait bien inspiré de se déclarer en faveur du désengagement, sinon son sort sera le même que celui de tous ceux qui ont créé des partis sans lendemain. Si l’image de ‘Gauche’ lui colle à la peau, il descendra du ring très vite, et s’il se déclare de ‘Droite’, les électeurs préféreront l’original à la copie. Il ne peut réussir que s’il crée un nouveau camp en s‘associant avec ceux qui prônent clairement le désengagement avec un projet social sincère et innovant.
Il est donc urgent, pour ceux qui préconisent un État juif et démocratique, de changer et de renaître. Une stratégie correspondant à la réalité est impérative pour brouiller les cartes. Une nouvelle organisation politique et courageuse s’impose de toute urgence. Les dirigeants de ce changement devront s’unifier et laisser cette fois leur égo à l’écart.
La qualification ‘‘Gauche’’ doit être mise de côté. La division doit se pratiquer alors entre ceux qui défendent la colonisation à tout prix et ceux qui désirent se séparer définitivement des territoires contestés – aussi douloureux que cela puisse paraitre. Des sondages sur le démantèlement des colonies, qu’il se fasse de gré ou de force, changeront la carte politique. La plupart des citoyens israéliens veulent un État à majorité juive et démocratique.